vendredi 26 janvier 2018

Rekha, le rêve d'une enfance perdue

Elle s'appelle Rekha. Un prénom qui, en sanskrit, signifie Soleil. Rekha possède deux faces, la première: extérieure, forte rusée, pleine de confiance et de grâce et la seconde beaucoup plus secrète, réagissant intérieurement, renfermée, encaissant les coups en silence. Rekha joue de cette dualité et déconcerte par son comportement ambigu. C'est cette dualité que nous avons pu observer chez cette adolescente à qui nous avons apporté notre soutien car elle fait partie d'une famille nombreuse dans laquelle elle fait figure d'enfant sacrifiée. Son papa, alcoolique et parfois violent, ne s'acharne pas au travail pour entretenir sa famille. Sa maman, fatiguée par les grossesses à répétition, affronte le quotidien avec passivité et nonchalance. La soeur ainée, déjà mariée, est allée vivre dans sa belle-famille, laissant à Rekha le rôle de la servante. Elle supplée aux absences du père en allant travailler aux champs, afin de gagner quelques roupies qui serviront à nourrir la famille.

Et pourtant, dans le fond de son coeur, elle rêve parfois de devenir enseignante. Mais pour cela, il faudrait qu'elle puisse aller régulièrement à l'école, travailler dur et se sentir épaulé par sa famille ou des adultes qui ont confiance en elle. Nous lui avons proposé de venir en pension à Vimukti afin qu'elle puisse se libérer des tâches domestiques et de l'emprise de son papa qui a fait d'elle son esclave. Toutes les conditions semblaient réunies lorsque nous sommes allés voir sa famille en novembre dernier dans leur petite maison du village de Belwata. Les deux parents avaient donné leur accord pour qu'elle rejoigne le petit groupe d'enfants du pensionnat. Elle est venue le lendemain à Pothnal avec un sac à dos contenant vêtements et affaires utiles au quotidien. Nous avons, avec elle, fait quelques achats supplémentaires dans les boutiques avoisinantes pour qu'elle ne manque de rien.... Malheureusement, après l'euphorie des premières heures, nous avons vite déchanté. Elle a prétexté que sa famille lui manquait pour rejoindre, sans informer quiconque, un jeune homme du village prétendument être un ami de la famille... Et le lendemain soir, sans prévenir, elle reprenait le chemin de sa maison, avec toutes ses affaires.

Les membres de l'équipe de Vimukti qui l'ont toujours soutenue, elle et sa famille, nous ont fait comprendre qu'ils étaient las de continuer à s'occuper d'elle car le même scénario se répétait inlassablement et que ce n'était sans doute pas très juste de dépenser tant d'énergie pour un tel résultat. Nous avons dû, nous aussi, nous incliner devant ce constat désarmant. Que faire face à une telle situation? D'un commun accord, nous avons décidé d'attendre encore un peu et de lui donner une dernière chance à l'occasion de la rentrée prochaine. D'ici là, l'aménagement de la maison "Merci Nivas" sera terminé et un hébergement gratuit sera proposé aux jeunes adolescentes qui souhaitent poursuivre des études dans d'excellentes conditions d'accueil. Rekha saura-t-elle saisir cette chance?